Entrevues culinaires: Julie Snyder

Julie Snyder ne laisse personne indifférent. Son indéniable charisme, sa folie légendaire et son irréprochable talent d’animatrice lui valent un grand succès auprès du public depuis de nombreuses années, et pour raison. Militante pour plusieurs causes, celle qui a plus de 2000 entrevues à son actif entretient également une relation avec la nourriture aussi éclatante et étincelante que sa personnalité. Discussion culinaire sans filtre avec une femme dévouée encore plus brillante que son succès, Julie Snyder!


On connaît la Julie flamboyante à la télé, travaillante et persévérante en tant que productrice, mais avec la nourriture, comment es-tu? C’est quoi la relation que tu entretiens avec elle?

J’entretiens une relation avec la nourriture très spéciale. En 1991, alors que ce n’était pas du tout à la mode, et je dirais que ce n’était pas à la mode et pas commode, je suis devenue végétarienne. À l’époque je passais pour une excentrique d’être végétarienne. Aujourd’hui, c’est normal d’être végétarien, les gens qui le sont se font même féliciter pour ce qu’ils font pour la planète. Mais à l’époque, j’avais vraiment l’air d’une bizarre.

Et aussi tu ne pouvais pas acheter du tofu chez Metro, il n’y avait pas de plats du Commensal. Aujourd’hui, j’arrive chez Metro et il y a une panoplie de plats végétariens, le chili du Commensal, la soupe aux lentilles, des tartinades de tofu, du tofu… Mais à l’époque, ça n’existait pas dans les épiceries! Donc c’était vraiment, vraiment difficile d’être végétarien. C’est rare que tu vas prendre une décision qui va t’influencer trois fois par jour pour le reste de ta vie. Moi, je n’ai pas beaucoup de certitudes, mais j’ai su, en 1991, que j’allais mourir végétarienne, que jamais je n’allais remanger de la viande. 

Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur, c’est quand la journée où tu t’es dit, À partir d’aujourd’hui, pour moi, la viande, c’est terminé?

En fait, on est végétarien dans notre tête avant de l’être dans notre estomac. T’as raison c’est quoi l’élément déclencheur, c’est vraiment une bonne question, c’est une question importante. Mais quand j’y pense maintenant, je ne me suis pas levée un matin en disant, Aujourd’hui, je suis végétarienne. Ça a commencé je te dirais en 1991, quand j’avais 24 ans, mais la première fois que j’ai été végétarienne dans ma tête, c’est quand j’étais petite, vers 5-6 ans, et que j’ai vu le steak dégeler sur le comptoir. Et j’ai vu qu’il y avait du sang. Après ça, j’ai remarqué qu’il y avait des côtelettes de porc, je me suis touchée les côtes et je me suis dit c’est comme les côtelettes.

Et après, j’ai réalisé que manger un hamburger, c’était manger une vache qui était morte, après j’ai réalisé que le jambon à l’ananas, ce n’était pas juste un ananas, que derrière le jambon il y avait un cochon qui était mort. Je n’étais pas capable de manger du canard, du lièvre, mais j’étais dans une famille où, comme dans toutes les familles des années 1970, ma mère se forçait pour nous offrir de la viande, du rosbif. Pour elle, c’était vraiment quelque chose de luxueux, elle donnait le meilleur d’elle-même pour que moi j’aie ça, mais ça ne me faisait pas plaisir. J’aimais le goût du rosbif, de la fondue chinoise et j’adorais le homard. Mais je réalisais en même temps, tout au long de ma petite enfance, qu’ils étaient des animaux morts.

Quand tu es enfant, tu n’as pas le choix, tu suis la barque de tes parents. J’avais des cousines dont la mère était végétarienne et elle passait pour une illuminée dans ma famille. J’ai écouté son discours et j’ai vu un documentaire sur le sort réservé aux animaux dans les abattoirs, et ça m’a beaucoup marqué. Et de fil en aiguille, la viande me dérangeait, j’en mangeais de moins en moins, mais je continuais à manger du homard, du poulet BBQ, du rosbif, etc. Un jour, je suis allée dans une cure de thalassothérapie en France, et je me suis dit, pendant une semaine, puisque je fais une cure de remise en forme, je vais être végétarienne pendant cette semaine-là. J’ai trouvé ça super facile de devenir végétarienne. Je trouverais ça horrible, admettons que tu me dises qu’il faut que j’arrête de manger du chocolat, je vais te dire oublie ça Zachary, je ne suis pas capable d’arrêter de manger du chocolat, j’aime trop ça. Je ne serais également pas capable d’arrêter de boire du café. Mais contrairement à l’alcool, le café ou le chocolat, qui est du sucre, la viande ce n’est pas une drogue. Donc quand tu arrêtes d’en manger, tu n’as pas le sentiment de manque.

On n’en ressent plus le besoin?

C’est plus une drogue d’habitude, ce n’est pas une vraie drogue comme le café. Je me rappelle quand j’étais enceinte, j’ai arrêté de boire du café et je n’aimais pas ça. J’avais des migraines, des petits tremblements… ce n’était pas le fun d’arrêter de boire du café! Tandis qu’avec la viande, c’est beaucoup, beaucoup plus facile qu’on pense au niveau du côté addictif, mais est moins pratique; les gens disent qu’ils ne savent pas cuisiner. Ce n’est pas toujours commode, mais ce n’est pas difficile. Ce qui est difficile, c’est de trouver l’alternative dans les protéines, ça demande de faire des recherches. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’options végétariennes dans les épiceries. Mais moi, à l’époque, il fallait que j’aille dans les petites épiceries granos avec du monde ben barbu, ce n’était pas évident. Et quand j’allais au restaurant, on me disait Madame est quoi? Madame est végétarienne! Pardon? Madame est végétarienne. Ah bien on a le poisson! Non, le poisson n’est pas un légume! Ah bien on a le poulet! Non le poulet n’est pas un légume non plus. Ah bien là, on a la petite salade verte frisée avec des tomates. Je ne sais pas combien j’ai mangé de salades, parce que dans les restaurants français il n’y avait rien. Mais ce n’est pas grave.

C’est ça mon rapport à la nourriture, je pense à ce que je vais manger chaque jour, et je ne mange pas qu’est-ce qu’on me propose, je décide de ce que je mange. Et si ce qu’on me propose ne me convient pas, je ne vais pas insulter la personne, mais je vais préférer m’abstenir et manger après. Mais souvent quand on mange après, le problème c’est que l’on a trop faim. Alors je me suis habituée à manger avant. Donc avant d’aller dans un cocktail, je mange avant de partir, avant d’aller dans un souper, je mange avant de partir. Comme ça, s’il y a quelque chose qui ne me convient pas au souper, moi je n’ai pas faim, je ne souffrirai pas de la faim. Donc j’ai appris à gérer qu’est-ce que moi j’allais manger, ce n’est pas les autres qui vont décider, c’est moi.

On reconnait bien là la Julie qui est toujours fidèle à elle-même! Tu es très inspirante quand tu parles du végétarisme. Est-ce que ton métier d’animatrice a influencé cette relation avec la nourriture?

Non, je te dirais que c’est mon métier de militante, le fait que je sois militante avant l’heure. Ce qui m’a conditionné, ma motivation, c’était le sort réservé aux animaux. Comment je peux avoir un chien et un chat et manger un cochon? Un cochon ça s’élève comme un chien et quand je voyais les gens qui jugeaient les Asiatiques en disant c’est effrayant, ils mangent des chiens et des chats!, je me disais que ce n’est pas pire que de manger un cochon et du lièvre!

Tu as tout à fait raison

Ce n’est pas pire que de manger un agneau ou un veau de lait! Quand on sépare le veau de sa mère, elle le cherche pendant des jours. Elle crie, elle beugle… 

C’est effrayant… Tu es donc végétalienne?

Idéalement, je ne boirai plus de lait de vache et je ne prendrai plus d’oeufs de poule, ni de yogourt, ni de fromage. Mais, malheureusement, je ne suis pas végétalienne, je suis végétarienne. 

Est-ce que c’est quelque chose que tu envisages, que de devenir végétalienne?

Pour être 100% conséquente envers les animaux, il faudrait cesser ça aussi. C’est comme n’importe quoi, on y va étape par étape. Alors maintenant, je n’achète plus de lait de vache, je ne bois que du lait de soya, depuis longtemps. Mais je mange des oeufs, du fromage et du yogourt. La prochaine chose que je voudrais couper, c’est le fromage. J’aimerais ça devenir totalement végétalienne, d’ici à peu près un an. Je pense que je suis une militante dans l’âme! (rires)

Ça se sent vraiment. Qu’est-ce que tu aimerais dire justement aux gens qui ont des préjugés quant au mode de vie végétarien?

Quand on veut changer les choses, c’est soi-même qu’il faut changer, et espérer que ce que l’on va faire va inspirer les autres. Je n’essaie jamais de convaincre quelqu’un de devenir végétarien. Je réponds aux questions. Et souvent je vois des non-végétariens, dans les avions par exemple, et c’est tordant. Dans n’importe quelle compagnie aérienne, si tu commandes 48 heures à l’avance un repas végétarien, les employés sont obligés de te le servir. Alors quand le gars à côté de moi a un boeuf bourguignon tout sec et  dégueulasse ou un espèce de poisson qui sent un peu bizarre, et que moi j’ai un beau petit pâté aux pois chiches et lentilles avec cari sur un petit lit de riz, tout le monde regarde mon repas!

J’essaie de convaincre les gens par mon mode de vie. Les gens me demandent souvent comment tu as autant d’énergie?, bien je pense que d’être végétarienne ça donne de l’énergie. J’essaie donc d’appliquer mon mode de vie et je me dis que ça va peut-être inspirer des gens. Et aujourd’hui, force est d’admettre que c’est excellent pour l’écologie. Par exemple, ça prend 16 livres de céréales pour une livre de viande. J’imagine comment moi, avec 16 livres de pois chiches, je peux nourrir ma famille pendant un mois facile!

D’ailleurs, moi, je n’ai pas peur de manquer de nourriture, j’ai plein de pois chiches et lentilles séchés, ainsi que du riz. Je suis habituée de cuisiner et de manger ça, donc s’il y avait une pénurie, j’ai plein de riz et de légumineuses séchées dans mon sous-sol, dans mes armoires. Si les épiceries arrêtent demain matin, il y a plusieurs petits luxes qui vont me manquer, mais je suis capable de survivre un méchant bout de temps avec ça. Mon épicerie me coûte toujours moins cher que les autres, parce que je ne perds pas de nourriture. Du tofu, un végé-pâté, tu ne jettes pas ça, à moins de l’avoir oublié dans le fond du réfrigérateur. Ce sont des légumes, des légumineuses, à base de graines de citrouille… ça ne se perd pas. Les noix non plus! Donc je n’ai pas peur de la date de péremption. C’est pour ça que je voudrais cesser de manger du yogourt, lui il passe date! Ça m’enlève beaucoup d’anxiété le fait d’être végétarienne, parce que je sais que je suis capable de me nourrir sans poisson, sans crustacés, sans viande… sans capoter! Je suis végétarienne depuis 1991 et je n’ai jamais manqué de rien. Je n’ai pas le stress alimentaire que les gens peuvent avoir en ce moment.

Être végétarienne demande une présence plus accrue dans la cuisine, mais es-tu aussi habile aux fourneaux qu’au micro?

Je suis plus habile au micro qu’aux fourneaux. Je pense. J’espère! (rires) En fait, je suis une gaffeuse aux fourneaux, mais je fais ça avec beaucoup d’amour et j’improvise beaucoup de choses. Mes enfants me disent que je suis bonne cuisinière, mais avant, j’avais la réputation d’être très mauvaise cuisinière. Je te dirais qu’en devenant mère, ça a cultivé mon goût pour la cuisine. Je ne serais jamais une concurrente de Ricardo, il peut dormir tranquille, mais je me débrouille très bien en cuisine, je suis capable de tout faire. Je pense que je fais de très bonnes crêpes et de très bons croque-monsieur. Je fais aussi de super sauces pour mes pâtes. Je pense que mes enfants te diraient que je cuisine pas pire!

Je n’en doute pas, mais c’est quoi ton plus grand échec culinaire? Le repas que tu manques tout le temps.

Maintenant je ne manque plus mes fondues au fromage. C’est beaucoup moins long de faire sa propre fondue au fromage que de l’acheter au magasin. C’est un leurre de penser que, quand on l’achète toute faite, ça va plus vite. C’est comme les fondues au chocolat déjà prêtes, il faut faire bouillir ça 25 minutes, ça ne donne rien. Fais fondre ton chocolat, mets-le sur des fruits et l’affaire est ketchup!

Je te dirais que mes fondues au fromage, il a fallu que j’en rate 3-4 pour les réussir. J’ai aussi raté une bonne quarantaine de crêpes avant de faire les vraies crêpes bretonnes croustillantes. Mon secret maintenant, dans mes crêpes bretonnes, je rajoute un peu de Rhum et ça donne un petit goût à la crêpe. Mes enfants adorent ça.

À lire aussi: La petite biographie de la grande Julie Snyder.

Quand tu vas sur un plateau de télé, comme le talk-show La semaine des 4 Julie que tu as animé dernièrement, comment est-ce que tu gères ta faim?

Avant une émission, je n’ai pas très faim, c’est plus en après-midi que j’ai faim. Je vais manger parce que le traiteur offre un menu végétarien et un menu non-végétarien. On avait un très bon traiteur. Si les techniciens mangent bien et sont contents, moi ça fait partie de mes valeurs que tout le monde mange bien et qu’ils trouvent ça bon. Donc, on avait plusieurs choix de menus. Alors, ça m’arrivait de manger ce que le traiteur nous offrait comme plats végétariens, mais la plupart du temps, j’apportais mes lunchs, parce que je suis comme une petite bibitte. Je mange ma petite salade, du houmous et ma petite huile balsamique et ça me suffit. Quand j’anime, je mange beaucoup, beaucoup après. Quand je sors de scène, je mange énormément, mais avant, j’ai un peu l’estomac noué, je ne mange pas.

Mais c’est important de manger un tout petit peu avant, pour ne pas tomber dans les pommes… en direct!

Oui, ça c’est sûr! (rires) Je mange beaucoup de chocolat noir à la fleur de sel, j’adore ça. Je trempe ça dans un petit cappuccino et c’est mon grand luxe! 

Il faut avoir du plaisir à manger.

T’as raison. J’ai beaucoup de plaisir, mais je n’ai pas vraiment de luxe. Quand tu es végétarien, tu ne manges pas de caviar, pas de homard, de filet mignon. Mon grand luxe, quand je vais en France, et je n’y vais pas souvent, c’est de manger des truffes. Aldo Geloso, le propriétaire de Pepito Sangria Light, m’a envoyé un pot de truffes, et là j’ai fait des pâtes aux truffes et ça a été un régal. Pour moi, la truffe, c’est le luxe suprême. Je ne bois pas de grand vin, ni de grand cru, mais je t’avoue que si tu m’offres une truffe, je suis capable de sortir ma carte de crédit!

J’en prends note! À ce sujet-là, que le bonheur de la nourriture peut te procurer, est-ce que tu peux nous raconter un souvenir gourmand que tu chéris?

C’est quand j’ai découvert les truffes, parce que ça faisait 5-6 ans que j’étais végétarienne et que je m’étais habituée à ne plus avoir de luxe. Avant, mon luxe, c’était de manger du homard, mais je n’en mangeais plus, tout comme la fondue chinoise. Et là, je suis arrivée en France, dans un restaurant qui s’appelle Sormani et il y avait des pâtes aux truffes. Je ne connaissais pas les truffes et quand j’ai mis ça dans ma bouche, j’ai laissé la fourchette 30 secondes et je me suis dit Ah mon Dieu, ça goûte le ciel! La truffe noire mélangée avec des pâtes est le plus beau souvenir culinaire de ma vie. 

Tu m’en parles depuis tantôt, des pâtes, des crêpes, du chocolat… mais est-ce que tu as une allergie alimentaire?

Non, je n’ai aucune allergie. Je suis vraiment chanceuse!

À la fin de chaque entrevue, je demande à mes invités la même question. Alors, Julie, es-tu plus du style sucré ou salé?

Eh lala, c’est une très bonne question, parce que je t’ai dit que je mangeais du chocolat à la fleur de sel. Je te dirais que je suis plus sucrée que salée. Si j’ai le choix entre une crème glacée au chocolat ou un sac de chips, je vais prendre la crème glacée!

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Merci infiniment Julie pour cet élan de générosité et de temps que tu m’as offert pour cette entrevue, ce fut un immense honneur et un grand plaisir. Je n’avais que 2 ans lorsque tu es apparue pour la première fois dans ma télé, au début de Star Académie. Je me rappelle, j’avais tout le temps hâte au prochain dimanche pour pouvoir regarder tes entrevues. Puis, ça a été le Banquier et quantité d’émissions aussi surprenantes qu’épatantes. Ton parcours est très inspirant et ton talent l’est tout autant, quelle joie de t’avoir interviewé!

Ton emploi du temps très chargé te contraint souvent à refuser des demandes d’entrevues, et je suis très touché que tu aies accepté de participer à Entrevues culinaires. Je tiens également à remercier Thomas, sans qui cet entretien n’aurait sans doute pas pu voir le jour. À vous, je vous dit un profond et senti merci!

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Julie Snyder


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Photos: Max Abadian

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Zachary Barde

Passionné de cuisine, d'écriture et de tout ce qui est beau et bon pour l'esprit, c'est avec un grand honneur que je vous livre mon magazine web, Les Zackardises ! Allez-y, fouillez, lisez, contemplez. Surtout, dégustez chaque article!

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